Comment le Danemark convertit ses entreprises à l'open source

Face à l’augmentation des salaires dans les pays occidentaux qui pousse à la délocalisation des activités industrielles vers les pays émergents, le Danemark a lancé le programme REMODEL pour aider ses entreprises nationales à créer des modèles économiques basés sur une logique open source. Une expérimentation a été lancée avec dix entreprises danoises Jaime Arredondo partage le retour d’expérience de ces pionniers.

En 2016 le Danish Design Center, un organisme du gouvernement danois, s’est concerté pour voir comment le Danemark pourrait positionner son industrie face au problème de l’outsourcing massif de sa production à l’étranger, avec la pression que cela implique pour le marché du travail. Comment répondre aux défis d’avoir un petit pays qui ne peut plus se permettre de fabriquer chez soi à cause des coûts salariaux trop élevés, mais qui a une culture du design extrêmement puissante? La réponse : aider les entreprises danoises à se développer avec des modèles open source qui permettent à n’importe qui d’étudier, de modifier, de réutiliser et même distribuer un produit comme le font déjà à différents degrés des entreprises tel que le fabricant automobile Tesla, Baidu le géant chinois qui développe des voitures autonomes ou Opendesk qui vend des meubles conçus par sa communauté de designers et fabriqués par les réseaux de fablabs.

Les modèles open source suscitent généralement autant de curiosité que de scepticisme et d’insécurité. C’est pourquoi, en 2018, le Danish Design Center a fait le pari de rassembler des exemples concrets et inspirants de succès open source internationaux, et de lancer le programme REMODEL pour aider des entreprises de produits à expérimenter et développer des modèles open source.

10 entreprises de fabrication ont été recrutées pour tester le programme :

  • Thürmer, un fabricant historique de matériel de perçage industriel
  • Novozymes, fabricant d’enzymes industrielles et une des plus grandes entreprises danoises
  • Stykka, une plateforme numérique pour faire des meubles de bureau sur mesure
  • Ou Husum & Lindholm, des designers partenaires d’IKEA qui font des systèmes de jardinage urbain

Les entreprises ont utilisé le programme pour apprendre comment améliorer leur compétitivité, leur potentiel d’innovation et leur capacité à toucher de nouveaux marchés de manière profitable grâce au principes de l’open source. À la fin du programme elles avaient clarifié les questions clés de leur stratégie.

  • Comment l’open source peut bénéficier l’entreprise ? Par exemple, est-ce que c’est développer et innover plus vite et moins cher, est-ce que c’est avoir une communauté qui aide à diffuser plus vite ou identifier des employés à fort potentiel dans la communauté…
  • Qu’est-ce qui peut être ouvert ? Le design, du software, du hardware, des datas ou des procédures…
  • Quelles sont les communautés qui pourraient contribuer au projet ?
  • Quelle va être la motivation de communautés externes à contribuer au développement de votre projet ? Est-ce que c’est parce qu’ils y gagnent une nouvelle technologie? Ou parce qu’ils gagnent en visibilité? Ou parce que ça leur permet de gagner de l’argent ?
  • Quels canaux de communication créer pour interagir et créer de la valeur avec ces communautés ?
  • Où est-ce que l’entreprise peut gagner de l’argent si elle ouvre sa propriété intellectuelle au monde extérieur ? Est-ce que c’est de la vente de produits physiques? Est-ce que c’est la création de projets sur mesure ou la maintenance? Est-ce que c’est la vente de briques additionnelles fermées pour les acteurs professionnels?

Deux résultats notables

À la fin de la première expérience il s’est passé deux choses remarquables. La première : sur 10 entreprises qui se sont portées volontaires, 8 ont décidé de faire le pas et de créer une vraie stratégie open source pour au moins un de leurs produits. Et la deuxième : toutes les entreprises ont témoigné que cette nouvelle stratégie leur rapporterait entre 130.000 et 1.300.000 € en CA additionnel dans les années qui viennent ou que ça a accéléré l’adoption d’une stratégie de développement et coopération qui leur aurait pris plusieurs années.
Voyons deux exemples.

Le premier, Novozymes, fabricant d’enzymes et micro-organismes à usage industriel, est conscient depuis longtemps qu’ils ne peuvent pas résoudre tous leurs problèmes tout seul. Un de leurs grands obstacles est de travailler dans une industrie où la protection agressive de la propriété intellectuelle empêche souvent l’ouverture.

Novozymes avait déjà essayé de créer une plateforme de partage de connaissance, mais sans succès. Leur objectif en participant à REMODEL était donc de reconsidérer ce projet en profondeur et en intégrant toutes les parties prenantes de leur écosystème.

Le programme les a aidé à dépasser une compréhension unidirectionnelle de l’open source et comprendre comment cela pouvait s’appliquer à leur entreprise.

Le résultat de leur réflexion est une plateforme communautaire, Hello Science, qui permet de résoudre des challenges au moyen du partage de connaissance entre des acteurs académiques, des startups et des entreprises pour casser les silos de connaissances qui ralentissent l’innovation et la création de partenariats. Cette plateforme est un moyen unique pour eux de créer des connexions entre l’organisation et le monde extérieur qui peut, à terme, aider à résoudre des challenges qui touchent toute l’industrie.

Le deuxième exemple est l’entreprise de mobilier Stykka qui fournit à travers sa plateforme en ligne en mobilier sur mesure à de grandes entreprises comme Carlsberg, Ebay ou SAP.  Leur système de production intègre des blocs de construction qui permettent de fabriquer des produits sur mesure de qualité à des prix de production de masses.

Même si Stykka avait depuis longtemps l’idée de créer une stratégie open source, l’idée restait intangible et difficile à mettre en œuvre opérationnellement.

Ils ont donc utilisé la méthode REMODEL pour explorer le potentiel de l’open source pour eux et voir concrètement à quoi pourrait ressembler une stratégie open source pour eux et comment est-ce que ça pourrait améliorer leur business.Le programme leur a permis de développer leur idée de façon à clarifier, concrétiser et ancrer les opportunités par rapport à leur business existant, comme permettre à des designers de s’emparer de leurs designs, mais de rendre en enrichissant et en rendant plus attractif le catalogue de meubles. En retour les designers, en plus d’avoir accès à des designs de qualité, peuvent aussi rendre leur travail plus visible et récupérer des royalties sur les meubles produits sur leurs designs.

Et après...

La méthode REMODEL est évidemment réplicable et peut tout autant bénéficier des entreprises de fabrication en dehors du Danemark. Si vous êtes curieux et voulez développer votre propre stratégie open source, vous pouvez aller à Remodel.dk pour trouver les sprints compilés dans une boîte à outils, dont l'utilisation est ouverte à tous et disponible en Open Source. Et si vous avez d'envier explorer les possibilités de concevoir un modèle ouvert pour votre organisation avec un mentor, le 23 mai 2019 aura lieu une masterclass au Maif Startup Club avec Jaime Arredondo. Cliquez ici pour en savoir plus.