L’énergie ouverte et collaborative, c'est possible !

Et si nous révolutionnions la production d'énergie pour la maison ? Le projet Open Source Energy montre la voie.

Et si nous révolutionnions la production d'énergie pour la maison ? L'alternative est possible, mais le challenge est de taille : parvenir à produire à la maison ce dont nous avons besoin et partager le surplus avec nos voisins. Le projet Open Source Energy relève le défi de l'énergie libre et collaborative.

D'un geste machinal, il jette un coup d'œil au module de contrôle. La charge est bonne et les voyants sont au vert, parfait pour passer une bonne nuit en sachant que demain matin, il y aura du courant pour faire chauffer la cafetière, griller les toasts et surtout pour la grande fiesta du soir. Il est vrai que ce vent d’ouest bien établi et la quantité d'eau qui est tombé hier soir ont permis de regonfler la réserve d'énergie.

Nous ne sommes pas dans un roman de science fiction mais face à ce qui pourrait devenir dans un avenir proche le quotidien de monsieur tout le monde. Notre personnage aurait pu se laisser séduire par une solution clé en main amortissable sur des décennies sans garantie de rentrer un jour dans ses frais ; le tout assorti d’un contrat de maintenance exclusif. C'est au travers d’un courant (sans jeu de mots) plus audacieux qu'il a choisi de faire un geste pour les générations futures et surtout pour son porte monnaie : l'énergie ouverte et collaborative.

"Combler un vide"

L’idée est simple. Aujourd’hui les solutions disponibles sur le marché des énergies renouvelables suivent toutes le modèle des produits high-tech verrouillés à l’image des productions proposés par Apple. Le solaire, l’éolien et dans une moindre mesure l’hydraulique ne sont accessibles qu’au travers de systèmes complexes et totalement opaques sur lesquels l’utilisateur n’est pas en mesure d’intervenir. Au moindre problème, il ne lui reste qu’à se soumettre au bon vouloir de son installateur. L’énergie ouverte et collaborative n’a pas pour vocation de remplacer cette offre pléthorique de solutions génératrices d’énergies renouvelables mais bien de combler un vide. Elle apparaît comme une alternative low tech où l’utilisateur redevient acteur. Depuis l’apparition de l’électricité dans les foyers, la tendance a toujours été dans le même sens, c'est-à-dire vers une centralisation sans limite de la production. Ce mouvement a donc permis à la société de passer des générateurs de hameaux aux centrales régionales actuelles en augmentant toujours la puissance unitaire des installations. L’utilisateur de cette énergie s’est vu dépossédé de tout moyen de contrôle et d’action sur cette dernière. Que reste-t-il comme moyen d’action face à un interrupteur quand de toute façon on a besoin de cette énergie ?

Relocaliser la production d'énergie

Nourri par les idées développées par Jeremy Rifkin dans La Troisième Révolution industrielle, le concept de l’énergie ouverte et collaborative tend à relocaliser la production des ressources dont l’homme à besoin dans un contexte géoéconomique proche de lui, à son échelle. C’est dans une optique d’autonomisation et de responsabilisation de l’utilisateur que l’énergie ouverte et collaborative se développe. In fine, l’objectif est d’aller vers de l’autoproduction accompagnée, concept cher à Daniel Cérézuelle et Guy Roustang où une communauté permet l’évolution d’une technologie tout en assurant une aide envers les utilisateurs. Alors que nous entrons dans l’ère de la complémentarité (sources, usages, fonctions…), une réponse centralisée ne saura être aussi efficace que des solutions ad-hoc, montées et entretenues par l’utilisateur-même. Les besoins de chacun et surtout l’implantation des bâtiments seront ainsi d'autant mieux servis qu'une multitude de réponses ouvertes et durables seront développées.

Dans l’énergie ouverte et collaborative, le modèle du vendeur d’aspirateur n’a pas sa place.

L’utilisateur est au cœur du système. Il a le droit à ce que Victor Papanek appelle le “Manifeste des droits du consommateur”, un ensemble de règles d’or auxquelles tout produit et donc tout concepteur devrait répondre :

  • Le droit à la sécurité, d’être protégé contre les objets dangereux ou mal conçus
  • Le droit à l'information, pour ne pas être manipulé par une fausse information ou l'absence d’information.
  • Le droit aux services de base, des prix justes et des choix (si un monopole existe, une qualité minimum garanti à des prix raisonnables)
  • Le droit à la représentation (d'être consultés et de participer aux décisions qui touchent les consommateurs)
  • Le droit d'être entendu par le biais de canaux reconnus et avoir le droit à une compensation rapide et équitable
  • Le droit à l'éducation des consommateurs du point de vue des utilisateurs eux-mêmes
  • Le droit à un environnement sain et sécuritaire sur lequel l’objet n’a pas d’impact négatif.

L’élaboration d’un projet doit passer par un travail collaboratif permettant le transfert à la fois des technologies libres mais aussi des connaissances et des savoir-faire nécessaires à l’autonomisation de l’utilisateur. Les technologies mis en œuvre ne sont pas dans un système figé mais restent ouvertes pour que chacun puisse apporter sa pierre à l’édifice en améliorant l’ensemble selon les principes du l'open source déjà bien implanté dans l’informatique comme le prouve le développement de Linux.

L'open source permet de gérer la complexité

L’approche ouverte peut paraître paradoxale dans nos sociétés occidentales basée sur le modèle capitaliste, où tout tend à être verrouillé. Pourtant, le travail collaboratif se pose comme une alternative à ce modèle économique en puisant sa richesse non pas du nombre de pièces vendues mais de la manière dont la relation entre l’utilisateur, le fabricant et l’objet se construit. Face aux fortes disparités de richesses, l'approche ouverte propre à l'open source permet de niveler ces différences en augmentant les possibilités d’accès à une technologie grâce à l’apport de tous. Favorisé ou non, tout le monde peut ainsi œuvrer pour répondre aux besoins de tous, selon leurs propres moyens d’actions. Par la libre circulation des idées, ce n’est pas une équipe isolée qui se penche sur un problème mais une véritable intelligence collective, cette communauté générant ainsi du bien commun. L’open source apporte cette puissance de développement nécessaire dans un contexte énergétique où la réponse sera obligatoirement complexe et modulaire. L’énergie ouverte et collaborative est également un excellent moyen de sensibilisation du grand public aux problématiques de la nécessaire mutation énergétique en rendant visible les efforts de ceux qui s’y sont investi et en prouvant que le changement par la base est possible sans pour autant avoir de gros moyens. Plus les équipements d’autonomie énergétique seront visibles plus il sera possible de démontrer au plus grand nombre qu’ils peuvent agir à leur échelle.

Réapproprions-nous la production d'énergie !

L'idée fondatrice du projet Open Source Energy (OSE) réside dans la réappropriation de la production d’énergie au niveau de l'individu grâce à la transformation de son environnement quotidien en une multitude de sources potentielles et complémentaires de production d'énergie. L’approche d’OSE est basée sur la constitution d’un ensemble de modules complémentaires et interchangeables permettant une parfaite adaptation des technologies à la réalité du terrain et aux besoins de l’utilisateur. La transparence dans leur construction permet de les réparer et de les adapter facilement grâce à la mise à disposition de l’utilisateur de toutes les données dont il a besoin pour qu’il s’approprie la technologie. Né au cœur de l'ENSCI-les Ateliers le projet a su faire son chemin dans les sphères alternatives en s'étoffant des savoirs et des expériences de nombreux acteurs. Un premier module de production a été réalisé à partir de pièces facilement disponibles dans un design simple et fonctionnel : L'ENERCAN. Ce module générateur, premier de sa lignée, a pour mission d'assurer la transformation de l'énergie mécanique issue d'activités humaines (musculaire) ou environnementales (éolien, hydraulique...) en une énergie électrique viable et adaptable. Aujourd'hui, ce module est déjà utilisé sur des évènements des communautés Open-source et DIY, et l'équipe d’OSE travaille à la diffusion de ses idées pour fédérer un nombre croissant de personnes motivées par la transition énergétique. [caption id="attachment_2671" align="alignnone" width="640"]

Le module EnerCan[/caption]

"Se nourrir des idées oubliées ou de solutions considérées comme obsolètes"

Une démarche de veille technologique et sociologique a également été mise en place afin d’identifier les pistes à explorer. Le rapport au passé est très important dans le projet qui, grâce à l’approche de la veille, se nourrit d’idées et de solutions oubliées ou considérées comme obsolètes pour concevoir les machines. Les besoins de notre société changent à grande vitesse et recoupent parfois ceux des générations précédentes. Récolter et analyser le fruit du travail des anciens permet de remettre au goût du jour des technologies de nouveau adaptées aux problématiques actuelles mais aussi de faire émerger des outils innovants, fruits de la recombinaison des solutions du passé avec les techniques d’aujourd’hui. Les outils conçus dans le cadre du projet OSE sont étudiés pour êtres facilement reproductibles afin d’aider à leur diffusion. Réalisables avec un outillage simple, ils sont également conçus pour tirer un réel bénéfice des moyens de productions numériques comme les imprimantes 3D (RepRap), des outils de découpes numériques ou encore des modules programmables libres (Arduino). L'objectif est maintenant de créer et d'entretenir des liens entre des partenaires académiques comme des écoles d'ingénieurs, des structures associatives comme les hackerspaces et les fablabs afin de permettre la diffusion du premier module Enercan et la naissance de nombreux projets innovants à partir de celui-ci et tournés vers d’autre modules de production (hydraulique, moteur stirling...). Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du projet. Christopher Santerre & Geoffroy Levy