Mission Coworking, il est temps de changer de regard sur les Tiers Lieux

Ça y est. Le rapport de la Mission Coworking porté par la Fondation Travailler Autrement est sorti. “Faire ensemble pour mieux vivre ensemble”, la promesse est belle.

Et de fait, on apprend plein de choses à sa lecture. Il faut aussi saluer la démarche, car c’est une occasion rare que de réunir la quasi-totalité des acteurs de terrain pour trouver des réponses adaptées à un problème complexe. La richesse et la précision du rapport illustrent cette qualité d’écoute et ce souci de cohésion. Au sein et en dehors du comité de pilotage du projet, Ouishare a régulièrement échangé avec Patrick Levy-Waitz, président de la Fondation Travailler Autrement et Emmanuel Dupont, référent au sein du CGET.

De cette lecture riche, je retiens quelques points majeurs :

- C’est dans les villes moyennes que tout se joue. J’en suis convaincu, depuis que j’ai dirigé le rapport Sharitories, qui cherchait à établir une stratégie pour mettre l’économie collaborative au service des villes moyennes. Nous ne pouvons pas laisser aux grandes villes le monopole du développement des Tiers Lieux.  C’est d’ailleurs dans ce sens que va le plan Action Coeur de Ville, qui offre la possibilité aux villes moyennes d’en faire un élément clé de leur développement local.  

- Partout, le travail se métamorphose. Au-delà des grands discours sur le futur du travail, le rapport, grâce à une étude de terrain bien ficelée, met en avant les bénéfices du télétravail comme la professionnalisation d’activités nouvelles.

- Les espaces et les bâtiments sous-utilisés ne manquent pas, bien au contraire. Centres postaux, agences bancaires, offices de tourisme, entrepôts, sans parler des fameuses friches industrielles, doivent repenser leur place sur le territoire pour entamer une nouvelle vie. La proposition d’un fonds d’ISR de 50 millions d’euros va dans le bon sens.

- Des indicateurs chiffrés doivent guider notre action. Depuis quelques années, les Tiers Lieux font l’objet de réflexions souvent passionnantes. Mais les principes ne suffisent pas. Nous avons besoin de données chiffrées, ne serait-ce que parce qu’elles sont la langue naturelle des décideurs politiques.


Plus encore, les résultats de la mission Coworking confirment les intuitions formulées dans l’étude Sharitories, et sont un excellent point de départ pour les travaux que nous menons actuellement avec Mille Lieux. Avec cette exploration, nous nous donnons les objectifs suivants :

- Penser au-delà du coworking. La diversité des modèles de Tiers Lieux, bien illustrée par l’exercice de typologie qui ouvre le rapport, constitue leur force. Si le coworking occupe aujourd’hui le devant de la scène, dans les médias comme dans le rapport, c’est qu’il constitue un domaine d’activité prometteur pour les collectivités qui peinent à attirer de nouveaux actifs (en milieu rural par exemple, les initiatives de coworking poussent comme des champignons). Et pourtant, un Tiers Lieu ne se limite pas à des bureaux partagés. Au contraire, les observations de terrain prouvent bien que les modèles hybrides, conjuguant des activités et services variés, répondent mieux aux besoins spécifiques d’un territoire donné. Continuons à porter une définition large des Tiers Lieux, dans tout ce qu’ils ont de stimulant, de créatif, bref, de vivant.

- Affermir l’ancrage local des Tiers Lieux. Idem, on ne saurait trop répéter que la richesse provient du caractère distribué et ouvert de ces espaces. En complément de l’initiative publique incarnée par le Conseil National des Tiers Lieux, il faudra être attentif à la documentation des démarches isolées et à la circulation des données et des idées. À l’heure des organisations décentralisées en réseau, le parallèle mérite d’être considéré pour faire avancer la cause des Tiers Lieux. Quant à la répartition géographique des fabriques de territoire, (50% dans les quartiers prioritaires de la ville, 50% à des carrefours clés), il faut bien entendu mesurer sa pertinence stratégique pour les acteurs locaux, et orchestrer leur participation au plus tôt.

- Faire parler l’expérience du terrain :  À Guéret, Pontivy, Auxerre, Arles et Narbonne, Ouishare arpente les territoires Action Coeur de Ville pour produire l’exploration Mille Lieux. Ce programme de recherche-action est la suite logique de Sharitories, qui étudiait déjà les pratiques collaboratives dans huit villes moyennes. Ici, nous nous intéressons à la diversité des Tiers Lieux au-delà du coworking, à l’hybridation des usages et des acteurs, et surtout, à l’impact des Tiers Lieux sur les territoires. C’est notre parti pris : la mesure de l’impact économique, social et environnemental des Tiers Lieux,  est une condition majeure de la viabilité de ces derniers. Et ce, dans l’intérêt des porteurs de projet, des collectivités et des habitants. Car pour générer du chiffre d’affaires, et au passage créer des emplois, un Tiers Lieu doit avant tout pouvoir prouver qu’il crée de la valeur pour le territoire. Mais pas n’importe quelle valeur. À cet égard, il me semble essentiel de prêter attention à l’évolution du rapport au travail, au dynamisme économique des territoires, à la création de communs et à l’accélération de la transition écologique. Car toute valeur n’est pas économique, tout échange n’est pas marchand : ce sont avant tout la “valeur d’usage” et le “cap de réciprocité” - idées chères à Patrick Bouchain - qui doivent guider notre démarche. Il est peut-être temps de changer de regard sur les Tiers Lieux.

Pour en savoir plus sur Mille Lieux, n’hésitez pas à me contacter samuel@ouishare.net

Pour accéder au rapport : Mission Coworking, Faire ensemble pour mieux vivre ensemble