Protei : un bateau open-source pour nettoyer les océans

César Harada est à l'origine du projet ambitieux : la conception d'un drone marin innovant, permettant notamment l'écrémage du pétrole déversé par les marées noires.

Convaincu qu'en s'inspirant de la nature, la technologie doit être au service de l'environnement en réparant les désastres causés par les humains, César Harada est à l'origine d'un projet ambitieux : la conception d'un drone marin innovant, permettant notamment l'écrémage du pétrole déversé par les marées noires.

Fils d'un père japonais et d'une mère française, César Harada est à la croisée de courants émergents : open-source, open hardware, recherche collaborative, biomimétisme et écologie. Il les emploie pour mettre en action sa conviction que « les courants marins, le vent et les autres phénomènes naturels peuvent fournir des solutions uniques et novatrices aux pires catastrophes de l'humanité, comme les déversements de pétrole et les fuites radioactives ».

Il y a quelques années, César Harada s'est retrouvé coincé dans un laboratoire du MIT (Massachusetts Institute of Technology), attelé à la construction d'un drone de nettoyage de marées noires. Mais pour y arriver, il est contraint d'utiliser la technologie propriétaire des entreprises finançant le laboratoire. Celle-ci n'étant pas optimale et protégée par des brevets, il démissionne. « Quand on veut développer de la technologie au service de l'environnement, on veut être certain que celle-ci va servir le plus grand nombre au moindre coût possible », expliquait-il en novembre dernier, lors du neuvième OuiShare Talk à Paris.

Il se dirige alors vers la Nouvelle-Orléans, où il travaille avec la Louisiana Bucket Brigade afin de cartographier la nappe de pétrole du Golfe du Mexique. Et au même moment, il commence à imaginer Protei, un drone-bateau open-source.

La technologie au service de l'environnement et de l'Humain

Ne parvenant pas à recueillir la totalité des déversements pétroliers, les méthodes actuelles d'écrémage ne sont pas seulement inefficaces, elles sont surtout nuisibles pour la santé des personnes chargées de mener ces opérations. Les travailleurs sont exposés à des matériaux toxiques qui réduisent leur espérance de vie de manière inquiétante. Sans oublier que les navires effectuant l'écrémage tournent... à l'essence. Protei tente de répondre à ces problèmes en créant un voilier autonome qui tire derrière lui une queue absorbant le pétrole sur une longue distance. L'intervention humaine est ainsi limitée au maniement d'une télécommande à distance raisonnable de la nappe de pétrole et des risques sanitaires que celle-ci implique. Après de nombreuses expérimentations, le prototype Protei ressemble à un poisson : la coque du voilier est flexible, elle se tord et se déplie au gré des vagues. « Les poissons - et leurs organes métamorphes - existaient bien avant les humains, nous savons donc que nous sommes sur la bonne voie », explique Harada. http://www.youtube.com/watch?v=iNDXvJjSniI

Un concept, une communauté

Depuis ses débuts au MIT, Protei est devenu un projet international, que César Harada coordonne. Le plus grand aboutissement de ce projet est certainement la communauté baptisée Open H2O que Harada a formé autour de lui, puisqu'elle permet aujourd'hui au projet d'avancer bien plus vite qu'une invention solitaire ne l'aurait permis.

De Corée jusqu'au Mexique, des fabricants, marins, ingénieurs et scientifiques contribuent à développer la technologie open-source de Protei, avec des méthodes de production collaborative qui ne sont pas sans rappeler celles de WikiSpeed. Célya Gruson-Daniel détaille l'organisation de Open H2O sur le blog My Science Work :

L’équipe de recherche de Protei est aujourd’hui constituée d’une dizaine de membres. (...) Depuis la genèse du projet en 2010, l’équipe s’est agrandie ce qui a nécessité une division et une organisation du travail plus importantes. Elle se compose aujourd’hui de 5 départements constitués de membres répartis aux quatre coins de la Terre. Chaque semaine, les coordinateurs des équipes se regroupent pour une réunion dont l’horaire a été déterminé non sans peine pour correspondre à la journée dans plus ou moins tous les fuseaux horaires impliqués. Le but de cette réunion est l’organisation au niveau administratif et la définition, de façon intelligente, des sujets de recherche à traiter pour optimiser la fabrication des drones. (...) Cette organisation offre également une transparence et une rationalité en termes de calcul du budget. Pour chaque tâche, le budget est ajusté chaque semaine en fonction de l’évolution du projet, en prenant soin de ne pas dépasser le plafond du budget total disponible.

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© Moritz Steiger[/caption]

Le potentiel de Protei est infini

Initialement conçu pour nettoyer les océans des marées noires, le potentiel de Protei peut s'étendre à bien d'autres désastres causés par les humains tels que le filtrage des plastiques qui s'accumulent dans l'océan Pacifique, ou encore la mesure de la radioactivité au large de Fukushima.

Pour être sûr que chaque centime investi profite au projet, César a même vécu pendant six mois dans une yourte qu'il s'est lui-même construit, juchée sur le toit d'un building surmontant la ville de Londres. Harada inspire tant par son action, que par son humilité et sa vision. « Ne soyez pas toujours intelligents », conseille-t-il. « Faites des erreurs, elles vous feront grandir ».

Traduction et adaptation : Stanislas Jourdan

Crédit images : Moritz Steiger (steiger.co.uk)

cesarharada.com