Au milieu du XIXe siècle, à la suite de la découverte d’un filon sur une petite parcelle de terre de l’Ouest américain, des centaines de milliers de personnes s’improvisèrent chercheurs d’or et prirent la route de la Californie. Quelques-unes firent fortune, la plupart ne trouvèrent jamais rien. Entre 1848 et 1856, la population de San Franciso fut multipliée par près de cinquante. C’est cette période que l’on appelle la ruée vers L’or. Ce que nous vivons aujourd'hui autour de l’économie collaborative a quelque chose de cette drôle d’époque.
La plupart des entrepreneurs qui se sont lancés dans des projets de plateformes ont l'ambition de créer un business ou un usage sur un excédent de ressources, et si possible de faire fortune en optimisant l'exploitation d'actifs dans lesquels ils n’ont pas besoin d’investir. Parmi eux, certains veulent sincèrement changer le monde, créer du lien, limiter notre empreinte environnementale ou encore rendre du pouvoir d’achat aux individus. D’autres se limitent à réinventer (on dit désormais "uberiser") telle ou telle industrie, en rêvant la nuit d’un IPO. A tous on ne peut que souhaiter le succès qu’ils espèrent.
Les mammouths entrent dans la danse
Depuis quelques années, tous les grands groupes se sont mis à créer des incubateurs, des communautés d’innovation; ils recrutent des directeurs du digital, créent des fonds d’investissement, amorcent des partenariats avec des startups, et se nourrissent des idées des autres. Cela commence à porter ses fruits. Bien naïfs ceux qui ont cru un court un instant que les plateformes marqueraient l’émergence d’un nouveau système économique et social basé sur une juste distribution de la valeur créée par les contributeurs. Il n’y aura bientôt plus d’économie collaborative parce que les usages distribués sont désormais au centre des stratégie de développement des acteurs traditionnels qui pour la plupart, n’y voient qu’un business model juteux : externaliser les coûts, centraliser les recettes.
Dépourvu de sens et d’authenticité, le marketing du partage et le discours dominant autour de l’économie collaborative cesseront bientôt d’alimenter la machine à rêve
Puis la bulle éclatera
Dépourvu de sens et d’authenticité, le marketing du partage et le discours dominant autour de l’économie collaborative cesseront bientôt d’alimenter la machine à rêve et alors, il y aura des dégâts. Tôt ou tard, on se rendra compte que les valorisations de certaines entreprises sont non seulement absurdes, mais dangereuses, que l’économie financiarisée que l’on critique au salon s’est invitée dans notre lit, et que la marchandisation de toutes nos interactions sociales au nom de la liberté d’entreprendre n’a pas de fin. Les valorisations fondées sur la plus pure spéculation s’effondreront parce qu'elles financent des stratégies d'acquisition clients ultra agressives reposant sur des business models qui n'ont encore rien prouvés. La bulle éclatera et, sans emploi ni actif à sauver, il n’y aura pas de pompier pour éteindre l’incendie à coup de recapitalisation. Cette fois, on ne nous fera pas le coup du too big to fail.
Une nouvelle utopie technologique est en marche et repose sur un projet qui la dépasse : un projet politique
Une nouvelle utopie technologique : un projet politique
Quant aux utilisateurs ou aux organisations devenus dépendants des plateformes pour gagner leur vie, ils devront aller trouver dans les solutions open source et le coopérativisme des plateformes le moyen de recréer ces espaces d’interactions sociale et commerciales. Nombre d’entre elles existent déjà. La ruée vers l’or prendra fin, mais peut-être aura-t-elle été le terreau d’une nouvelle économie reposant sur des organisations qui distribuent non seulement la production de valeur, mais aussi ses fruits. C’est tout l’enjeu du coopérativisme des plateformes, des initiatives du Web décentralisé et dans une certaine mesure, des promesses des projets reposant sur le Blockchain. C’est le pari que nous faisons aussi, et c'est le thème du OuiShare Fest 2016 : After the Gold Rush. Au fond, une nouvelle utopie technologique est en marche et repose sur un projet qui la dépasse : un projet politique.
Rendez-vous à Paris le 18 mai pour le OuiShare Fest 2016