Trade School: "Avec ou sans l'aide du gouvernement, la créativité et la passion doivent exister"

En seulement deux ans, des écoles basées sur le don ont fleuries partout dans le monde et sont désormais actives dans 15 villes et 10 pays, avec presque aucun encouragement de la part des fondateurs. Caroline Woolard, co-fondatrice de Trade School, discute au travers de cette interview de la croissance de ce projet, des défis et des opportunités que les fondateurs rencontrent lors de l'adaptation de leur idée à un public international.

Cet article est une traduction d’un article original de Tal Beery sur Shareable.net ; traduit en français pour OuiShare par Carmen Bouyer et Rachel Arnould.

En 2010, trois personnes ont eu l'idée folle de créer une école où les professeurs enseignent ce qu'ils veulent et où les étudiants “payent” les cours avec ce dont les enseignants ont besoin - des couverts, de l'art, des conseils - mais jamais avec de l’argent. Espace d'apprentissage basé sur le troc, ils ont appelé leur école “Trade School” (trade signifiant “échange” en anglais), et l’ont lancé pour la première fois dans la devanture d’un minuscule magasin de New York. Ce fut un immense succès.

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Trade School New York. Credit: Tal Beery.[/caption]

Qu’est-ce qui pousse les gens à démarrer une Trade School?

Nous avons en fait demandé aux gens de faire des vidéos répondant exactement à cette question. Ils le font pour toutes sortes de raisons. À Oakland, les organisatrices présentent le projet comme étant un projet éducatif et juste, parce qu'il est trop cher d’obtenir accès à l'information. Dans d'autres endroits du monde, ils le font pour rencontrer des gens qui sont vraiment intéressés par le partage des idées - je les appelle des “rigoureuses-généreuses” personnes - des gens qui travaillent vraiment dur, mais qui veulent aussi être dans une communauté qui est généreuse et vulnérable...

Vous identifiez-vous comme une personne "rigoureuse-généreuse" ?

Oui, tout à fait!

Comment peut-on commencer une Trade School?

Tout d'abord, il faut se rendre sur notre site et télécharger le PDF sur la façon dont nous nous organisons. Ensuite, il faut savoir que nous avons des principes, que vous devez accepter ou modifier (mais en restant en accord avec notre vision des choses). Et enfin, attendez vous à avoir beaucoup de conversations avec moi ! Par la suite, vous échangerez avec les organisateurs des autres Trade School également. Les organisateurs Londonien, par exemple, commencent à aider d’autres Trade School à s’ouvrir. J'espère qu'un organisateur de chaque Trade School pourra se joindre à l’équipe “Trade School Everywhere” et permettre ainsi l'organisation et l’ouverture de nouvelles Trade School.

Ceci dit, vous pouvez aussi commencer une Trade School sans m'en parler. En revanche, vous n'obtiendrez pas notre logiciel, qui est utile pour s'organiser, et ne ferez pas partie du réseau des Trade School. À Cologne et à Charlottesville, en Virginie, ils ont commencé une Trade School après nous avoir envoyé un email et c’est tout. Ils l'ont fait beaucoup plus rapidement que ce à quoi nous nous attendions. Nous avons parlé avec eux depuis et nous avons sentis qu'ils faisaient des choses en accord avec nos principes, nous avons donc mis un lien vers leur initiative depuis notre site web. Mais si vous souhaitez commencer une Trade School et que vous souhaitez des conseils ainsi que notre logiciel, venez me parler : j'ai beaucoup de documents et d’informations que je partage.

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Caroline Woolard. Crédit: Caroline Zerpa Trade School Barcelone, © OurGoods.org.[/caption]

Quel est l'avantage de ce logiciel?

Si vous êtes dans un endroit où beaucoup de gens vont utiliser Internet, il est beaucoup plus rapide d'utiliser le logiciel. Il coordonne l'ensemble des e-mails (e-mails de rappel, d’inscriptions etc) et tous les aspects administratifs que j'avais l'habitude de faire à la main. Or Zubalsky a construit ce logiciel et Rich Watts et Louise Ma ont réalisé le design. Nous allons disposer d'une importante version mise à jour qui sera open source ! C’est l’objet de la collecte de fonds que nous réalisons.

À Guadalajara, ils ont institué que si vous prenez une classe en tant qu’étudiant, vous devrez vous engager à enseigner à une classe, de sorte que tous les étudiants deviendront enseignants.

Comment vous assurez-vous que les Trade School à l'étranger sont gérées de la meilleure façon possible?

Je ne contrôle pas les autres Trade School en étroite collaboration. Les personnes qui se portent volontaires pour passer 10 à 40 heures par semaine à l'organisation d'un espace qui fonctionne sur le respect mutuel sont assez incroyables. Je parle à la plupart des organisateurs sur Skype sur une base hebdomadaire et j'ai donc une idée de qui ils sont. J'ai eu de très bons débats avec les organisateurs sur leur vision et les structures qui les intéressent parce que je veux m'assurer que nous sommes dans le même état d'esprit ou tout au moins comprendre pourquoi nous ne le sommes pas et s’assurer que la différence d’opinion n'est pas trop grande. De même, leur faire réaliser des vidéos afin de savoir pourquoi ils voulaient lancer une Trade School me donne une bonne idée de qui ils sont.

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Dépliants Trade School au premier plan, avec une affiche SolidarityNYC en arrière-plan. Crédit: © OurGoods.org.[/caption]

Existe-t-il à l'international des différences culturelles qui sont difficiles à surmonter?

En Italie, ils pensent que c'est bizarre de servir le café ou le thé avant la classe. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est ce qu'ils ont dit. A Cologne, il fut un temps où ils voulaient seulement avoir des classes totalement gratuites. Maintenant, je crois que c'est juste certaines classes. À Guadalajara, ils ont institué que si vous prenez une classe en tant qu’étudiant, vous devrez vous engager à enseigner à une classe, de sorte que tous les étudiants deviendront enseignants. A Guadalajara, l'organisateur avait interdit l'utilisation d'internet, et il utilisait donc des prospectus, ainsi que des techniques d’organisation en face-à-face pour amener les gens à connaître Trade School. Mais maintenant, il affiche également les cours sur Internet.

Pourquoi Trade School se développe-t-elle si vite ?

Peut-être parce que le système monétaire est un échec d'une manière globale ? Peut-être aussi parce que l'enseignement supérieur devient de plus en plus privatisé autour de nous, et pas seulement aux Etats-Unis. Beaucoup de budgets des services sociaux de la santé à l'éducation, en passant par les arts sont coupés dans le monde entier et les gens pensent que certaines choses ne fonctionnent pas dans une économie de marché.

Or, les gens ont un droit humain sur des choses comme la créativité ou la passion, alors ils veulent qu’elles se produisent avec ou sans l’aide de leur gouvernement.

Nous avons aussi clairement présenté que nous voulons que vous organisiez une Trade School dans votre région. En faisant ceci de manière très évidente, en mettant notre désir de partager avec d'autres personnes transparent, toute personne qui pouvait lire l'anglais et était intéressée savait tout de suite que ce projet était ouvert à elle. Je pense donc que montrer notre désir de partager a beaucoup aidé. Nous avons quelques 10.000 personnes qui consultent notre site Web chaque mois, même lorsque nous ne sommes pas en session.

Nous voulons que tous les organisateurs s'organisent en tant que collectif ou coopérative, ce qui en soi est une question de pouvoir horizontal et permet de se faire entendre et de discuter des différentes opinions afin de rendre le consensus possible.

Trade School est-elle une initiative politique ?

Je pense que tous les projets sont intrinsèquement politiques, parce que pour moi, la politique est de reconnaître le pouvoir de chaque personne ou organisme. Juste avec l'idée même de respect mutuel, ou du fait que les étudiants deviennent des enseignants, nous essayons de rendre l'énergie de chaque personne plus visible. En outre, Trade School est un grand projet bénévole et ne peut pas se faire seul. Nous voulons que tous les organisateurs s'organisent en tant que collectif ou que coopérative, ce qui en soi est une question de pouvoir horizontal et permet de se faire entendre et de discuter des différentes opinions afin de rendre le consensus possible.

Existe-t-il des limites à la croissance de Trade School ?

Si chaque Trade School qui ouvre ne suit pas les principes de coopération, en particulier le dernier sur la coopération entre les coopératives, et que d'autres Trade School ne permettent pas l'ouverture de nouvelles Trade School, nous aurons un problème. Mais même si nous n'avons pas d'argent, si je fais un bon travail de formation avec les formateurs, je pense qu'il n'y a pas de limite au développement du concept. Tout le monde peut aider à démarrer une autre école.

L'autre limite potentielle à notre développement est est notre logiciel. Car les gens veulent un site web qui fonctionne vraiment bien, et il aura donc besoin d'être continuellement maintenu. Nous avons besoin de trouver d'autres contributeurs qui veulent bien travailler avec Python et Django, afin d'améliorer le logiciel Trade School. C'est donc une autre communauté, celle du logiciel libre en ligne, que nous avons besoin de faire grandir.

Et qui pourrait vous coûter de l'argent...

Peut-être que non, nous allons voir ! Vous êtes prêts à échanger vos savoir-faire au sein d'une telle structure ou vous trouvez ceci complètement loufoque? N'hésitez pas à nous faire part de votre avis via les commentaires ou à consulter le site Trade School Paris ainsi que sa page Facebook.Un billet de Tal Beery.

Tal Beery makes sculptures, writes articles, is an activist with the group Occupy Museums, works as a fundraiser for Yes Lab (the Yes Men's training camp), runs collective living seminars, and recruits undergraduate students for his wife's environmental education program, Eco Practicum. He lives in New York. Cet article est une traduction d’un article original de Tal Beery sur Shareable.net ; traduit en français pour OuiShare par Carmen Bouyer et Rachel Arnould Crédits illustrations

OurGoods.org & Trade School Paris