Ulule, deux chouettes années de crowdfunding

Alexandre Boucherot, co-fondateur et CEO d’Ulule, revient sur les débuts de cette aventure et nous présente les perspectives de développement de sa start-up pour 2013.

L’un des piliers européens du crowdfunding fêtait ses deux années d'existence il y a quelques semaines. Alexandre Boucherot, co-fondateur et CEO d’Ulule, revient avec nous sur les débuts de cette aventure et nous présente les perspectives de développement de sa start-up pour 2013. Lancé en 2010 en France et désormais disponible en 6 langues, avec 1.500 projets financés au compteur et plus de quatre millions d'euros collectés, Ulule est aujourd’hui est un leader incontournable du financement participatif en Europe et notamment de celui basé sur le modèle du don avec contreparties. Sa progression illustre l'intense année qu'a connu le secteur du crowdfunding : collectes records à répétition sur KickStarter, politisation du sujet cristallisée par le JOBS Act américain favorisant le crowdfunding en fonds propres, structuration du secteur autour de plusieurs associations professionnelles... et près de 3 milliards de dollars collectés en 2012 sur l'ensemble des plateformes : le double de l'année 2011. Si le marché du crowdfunding progresse à mesure qu’il s'impose comme une réelle alternative aux circuits de financement traditionnels, celui-ci se densifie et se diversifie. On observe en effet une explosion du nombre de plateformes (plus de 700 dans le monde, tous modèles confondus), ainsi qu’une spécialisation de plus en plus marquées de certaines : Goteo pour l’open-source, Oocto pour la musique, Neighbor.ly pour les projets dans l'espace public, ou encore, très bientôt, Bulb In Town pour le financement des petits commerces. Face à ces évolutions, quelles sont les perspectives de développement pour les acteurs “historiques” du crowdfunding “généraliste” ? Alexandre Boucherot, co-fondateur et CEO d’Ulule, nous donne quelques pistes sur l’avenir de sa plateforme en 2013. Bonjour Alexandre, bon anniversaire ! Peux-tu nous rappeler les faits marquants qui ont jalonné les deux premières années d’Ulule ?

Alexandre Boucherot, CEO d'Ulule Le plus marquant, c’est sans doute pour nous le cap des 1.000 projets financés sur Ulule que nous avons franchi en juin dernier. Aujourd’hui, nous recevons en moyenne 15 propositions de projets par jour, dont la moitié donne lieu à des collectes sur notre plateforme. Mais ce qui nous caractérise, c’est la diversité géographique de nos utilisateurs : les projets nous parviennent de 36 pays, et nos 100.000 Ululers (donateurs) représentent aujourd'hui pas moins de 140 nationalités différentes ! L’ensemble de nos indicateurs est en augmentation constante : moyenne des dons, somme moyenne collectée par projet (3500 € aujourd’hui, contre 1000 € au lancement), volume total collecté sur l’ensemble du site... A ce jour, quatre millions d’euros ont été collectés sur Ulule, avec une croissance de 30 % par trimestre sur l’année 2012. 2012 a été une belle année pour le Crowdfunding et pour Ulule. Penses-tu que la crise a dopé le développement du secteur ? Pour moi, le succès du crowdfunding s’explique par la conjonction de trois éléments : le développement des réseaux sociaux, la restriction de l’accès aux formes de financement classiques, et l’émergence des nouveaux modèles de l’économie du partage.

Le facteur crise est tombé à ce moment-là aussi, mais il n'est pas la principale raison du succès du crowdfunding

D’ailleurs, si la crise touchait aussi durement la France que l’Espagne, ce ne serait certainement pas une bonne nouvelle pour le crowdfunding. Ce serait une mauvaise nouvelle pour tout le monde. En Espagne, le studio Pendulo (jeux vidéos) avait lancé une collecte de 300 000 euros, ce qui était très ambitieux, mais réaliste au regard de leur impressionnante fan-base. Ils n'ont finalement récolté que 50 000 euros. Quelles sont vos pistes de développement pour l’année prochaine?

Il y a trois nouvelles choses que nous souhaitons développer : le crowdfunding sur mobile tout d’abord, où il y a un potentiel énorme. Ensuite, la possibilité d’inclure des contributions extra-financières, ce qui est compliqué à mettre en oeuvre mais que nous avions en tête dès le départ. Enfin, nous voulons offrir de nouveaux outils pour permettre aux porteurs de projet de gérer au mieux leur collecte... Mais je ne peux malheureusement pas vous en dire plus pour l’instant ! Nous allons aussi continuer à explorer les pistes que nous avons lancées cette année, comme le développement des plateformes en “marques grises”, développées pour des acteurs spécialisés, ou des collectivités territoriales, comme la région Auvergne ou le Lab GamesPlanet. Nous continuerons également les opérations “1 pour 1” avec des annonceurs (pas n’importe lesquels) souhaitant soutenir certaines collectes en abondant un euro supplémentaire pour chaque euro apporté par un internaute. Qu'est-ce qui intéresse tant les marques dans le Crowdfunding ? Est-on sur un sujet de communication ou sur une vraie réflexion stratégique ? Il s’agit parfois d’une curiosité par rapport au financement participatif en général, et parfois de coups de coeurs pour des projets en particulier. Par exemple, l’un de nos annonceurs du secteur de l’énergie a été séduit par un projet de voiture hybride pouvant tracter des charges lourdes - afin notamment d'être utilisée pour le transport d'ordures... Certaines marques ont besoin de se réapproprier une dimension projet. L’angle communication reste prégnant bien sûr : fini le “brand content”, on veut raconter une histoire, s'associer à un porteur de projet. Ce qu'apprécie la marque, c’est de partager l'aventure du porteur de projet. Le système du “1 pour 1” est aussi très apprécié des porteurs de projets, et pas seulement pour l’apport financier qu’il représente : l'appui de structures plus traditionnelles a un côté rassurant, cela valide leur projet, leur démarche. Auprès des internautes, ces opérations sont plutôt bien acceptées car elles ne sont pas du tout intrusives, et perçues comme un gage de confiance.

Cela fait sens par rapport à des projets particuliers et des annonceurs particuliers. On ne vend pas de l'espace pub au kilo.

Mais la sauce n’a réellement pris que cette année : auparavant, l’intérêt pour le crowdfunding n’était pas encore suffisant pour capter l’attention des marques. Nous recevions bien quelques coups de téléphone, mais pour être franc, je n’y croyais pas trop. Il faut savoir se montrer patient entre le moment de la compréhension et celui du partenariat concret... Qu’est-ce qui a motivé le développement de plateformes en marque grise ? Sur des thématiques spécifiques ou des projets très locaux, cela permet de nous associer avec des acteurs spécialisés afin de toucher un public différent, plus important, et de mieux accompagner les projets. Les spécialistes ont une expertise que nous n’avons pas sur la phase d’après-collecte, notamment la distribution des produits. Dans certains domaines comme le jeu vidéo, c’est presque indispensable et cela fait sens de s'associer avec un partenaire spécialisé comme GamePlanet, qui sur-contractualise avec les porteurs de projets. Nous poursuivrons l’expérience en 2013 avec d’autres acteurs, dans le secteur de la musique notamment. Ces partenariats nous permettent de rester concentrés sur notre métier, celui du crowdfunding, en confiant l’exploitation à ceux qui connaissent mieux le secteur.

Statistiques de réussite des projets sur Ulule On voit d’ailleurs émerger de plus en plus de plateformes spécialisées ou ultra-locales, pour les petits commerces par exemple. A l’inverse, KickStarter qui est le leader du crowdfunding “généraliste”, annonce 2 millions collectés au Royaume-Uni un mois à peine après son arrivée en Europe. Comment vois-tu l’arrivée de ces nouveaux acteurs ? D'un très bon oeil. L’aura de KickStarter est évidemment très forte, mais nous continuons à recevoir des propositions de projets anglais ou américains. Ce qui me rend assez confiant, c’est que nous avons pas mal de choses dans les cartons pour l’année prochaine, avec des services suffisamment innovants et différenciants. Quant aux plateformes de niche ou hyper-locales, je trouve certains modèles vraiment intéressants, mais je ne pense pas que tous seront capables de générer un volume suffisant de levées de fonds pour être pérennes. A suivre ! Merci Alexandre et bon vent ! Propos recueillis par Flore Berlingen et Benjamin Tincq