Airbnb va-t-il enterrer le secteur hôtelier ?

Les professionnels de l’industrie hôtelière ont-ils raison d'avoir peur du succès insolent d'Airbnb ?

A New York, le 12 septembre dernier, un collectif du nom de Sharebetter - porté par le lobby hôtelier - lançait une campagne de communication dirigée contre Airbnb et largement relayée dans les médias et sur la toile. Sous de faux airs d’initiative citoyenne, Sharebetter affirme que « loin d'être un service sans danger (…) Airbnb permet aux locataires de New York d’enfreindre la loi et potentiellement violer leurs baux, il aggrave la crise du logement abordable dans nos quartiers, et il pose problèmes de sécurité publique graves pour les clients Airbnb, les hôtes et leurs voisins. » Le tout illustré d’une vidéo à charge.

http://youtu.be/4EzuzyZS8rM

Si le débat mérite d’être ouvert, la question de l’impact d’Airbnb à l’échelle d’une ville, d’un quartier, d’un immeuble est tout sauf tranchée. Mais ce n’est surement pas pour défendre les intérêts de leurs concitoyens que le secteur hôtelier se met en ordre de bataille… Alors, de quoi les professionnels de l’industrie hôtelière ont-ils peur ? Airbnb menace-t-il vraiment le secteur dans son ensemble ?

En février 2014, des chercheurs de l’université de Boston publiaient un rapport intitulé The Rise of the Sharing Economy: Estimating the Impact of Airbnb on the Hotel Industry. Pour la première fois, une approche scientifique et statistique sérieuse venait analyser et mesurer les corrélations entre le développement d’Airbnb et le chiffre d'affaires consolidé de l’industrie hôtelière, en se concentrant sur l'exemple du Texas.

Une corrélation entre la croissance d’Airbnb et la chute du CA dans l’hôtellerie

D’une façon générale, lorsque l’offre disponible sur Airbnb augmente de 1 %, cela se traduit par une chute des revenus trimestriels hôteliers de 0,05% en moyenne. C’est peu ? Tout est relatif ! En mars 2013, Airbnb annonçait être passé en un an de 10.000 à 30.000 annonces disponibles en France. Soit une augmentation de 200%. A supposer que les résultats du Texas soient transposables en France, cela impliquerait donc une baisse de 10% pour les hôteliers français.

Les hôtels ? Pas tous logés à la même enseigne !

Les hôtels américains sont divisés en cinq classes, qui correspondent en gros à notre système d’étoiles : luxury, upscale, midprice, economy et budget. Les trois derniers sont les plus durement touchés. Et parmi eux, ceux qui se situent dans les zones urbaines les plus densément peuplées sont encore plus vulnérables. Ils se trouvent confrontés à une offre qui s’intensifie sur un espace géographique restreint sans que la demande augmente dans des proportions similaires.

Si l’offre Airbnb doublait, alors…

Evidemment, l’impact de la croissance d’Airbnb sur l’hôtellerie n’est pas linéaire. Le scénario - hypothétique - d'un doublement de l’offre disponible sur Airbnb, prévoit que les hôtels budget perdraient environ 2,3 % de leur CA, les Economy, 2,6 %et 0,9 % pour les Midprice. En revanche, cela demeurerait sans effet notable pour les hôtels de standing supérieur. En réalité, ces derniers ne sont pas impactés - pas encore, du moins - par Airbnb, en raison de la qualité et de la diversité des services qu’ils proposent, des services a priori difficilement réplicables sur un mode peer-to-peer. Ils s’adressent à un public qui recherche avant tout le confort et la commodité et aux yeux duquel un personnel hôtelier qualifié est indispensable.

Le voyage d'affaire : un cas particulier

Par ailleurs, les hôtels s’adressant prioritairement à un public de professionnels sont encore peu touchés par l'arrivée d'Airbnb, où les professionnels ne représentent pour l'instant que 10% des transactions. Cela s’explique notamment par l’offre de services premium proposés par les hôtels : salles de réunions, parkings, etc. Ajoutons que l’image cool et fun d’Airbnb ainsi que sa dimension communautaire avant son changement de logo demeuraient assez éloignées de la représentation habituelle du voyage d’affaire. De plus, le système de facturation rendait difficile la saisie comptable des note de frais en entreprise. Une opportunité à saisir : la nouvelle identité visuelle d’Airbnb n’est surement pas étrangère à leur aspiration à aller s’emparer du marché de voyageurs professionnels (ce pour quoi Airbnb a été créé à l'origine, rappelons-le*).

Vers un Airbnb pour les pros ?

Cela justifierait aussi le lancement en juillet dernier d’une offre à destination de professionnels, laquelle a même été conçue en partenariat avec Concur Triplink, l’un des leaders de la saisie des notes de frais professionnelles pour les voyages d’affaire. Bref, Airbnb n’en a pas fini de partir à la conquête de nouveaux marchés. Et pour financer tout cela, selon une rumeur persistante, une introduction en bourse serait imminente...

*En 2007, à l'occasion d’une conférence sur le design organisée à San Francisco, les hôtels sont pleins. Brian Chesky et Joe Gebbia, colocataires et futurs fondateurs d’Airbnb, proposent alors pour la première fois de louer trois matelas gonflable dans leur salon et de servir petit-déjeuner (Airbed + Breakfast = Airbnb)

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