Lancé en janvier aux USA par Christopher David, Arcade City utilise la blockchain pour connecter passagers et chauffeurs sans intermédiaire. Objectif : éviter les commissions des plateformes comme Uber et améliorer les conditions de travail des conducteurs.
Cet article a été initialement publié sur le site ConsoCollaborative.
Arcade City est-il le nom d’un nouveau jeu vidéo ?
Christopher David. Non ! C’est un réseau de chauffeurs décentralisé qui a pour but d’entrer en compétition avec Uber et de résoudre les problèmes qu’il pose. Uber, tout comme Lyft, maltraite ses chauffeurs. Le CEO a déclaré que le problème principal du business model d’Uber étaient les chauffeurs. Ils veulent les remplacer dès que possible par des voitures autonomes. En attendant, il les pressurisent au max’ et font la course aux prix les plus bas. L’objectif est que les consommateurs abandonnent carrément leurs véhicules et utilisent Uber et Lyft tout le temps. Les salaires des chauffeurs ont chuté de près de 40 % en une nuit à San Francisco ! C’est bien pour les consommateurs, mais lorsque vous conduisez 40 à 50 heures par mois, c’est terrible. Je sais de quoi je parle, étant ancien chauffeur Uber.
Vous n’êtes donc pas fatigué d’être présenté comme l’« Anti-Uber » ?
C. D. Pas du tout et j’assume cela ! Ca permet de souligner le contraste clair entre notre modèle décentralisé et celui d’Uber. C’est ce qui explique que des milliers d’anciens chauffeurs Uber ou Lyft nous aient déjà rejoints. Uber et Lyft ont tout deux un problème avec la façon dont ils emploient les gens, les contrats qu’ils nouent avec eux. Nous voulons le résoudre en encourageant les chauffeurs à s’organiser eux-mêmes. Récemment, Uber a été forcé à créer une association de conducteurs par des avocats qui critiquaient leurs pratiques. Notre objectif est d’émanciper les chauffeurs pour qu’ils aient un pouvoir de décision et de contrôle sur leur travail. Qu’ils s’auto-organisent, et décident de leurs propres règles et de leurs tarifs. C’est rendu possible par la technologie blockchain, qui permet de décentraliser le modèle de notre organisation.
Quels sont les avantages à utiliser la blockchain plutôt qu’une plateforme centralisée ?
C. D. D’abord, lorsque vous payez une course avec une carte de crédit, il y a une commission. Nous encourageons nos chauffeurs et leurs passagers à utiliser une monnaie électronique basée sur la blockchain pour l’éviter. Notre modèle prélève une toute petite commission sur ces paiements, de l’ordre de 10 %, contre 25 % pour Uber. C’est juste de quoi payer l’équipe et le développement technologique et cela devrait aller décroissant. Enfin, la blockchain nous sert à assurer la sécurité, l’identité, et la réputation sur Arcade City. Dans une place de marché décentralisée sans intermédiaire central il doit y avoir de la confiance entre chaque membre du réseau, d’autant que nous ne recrutons pas nos chauffeurs. Nous attribuons un score à chaque utilisateur de façon transparente : le code est ouvert. Les chauffeurs sont libres de proposer des services additionnels ou des assurances routières, ce qui est intégré à leur profil individuel.
Vous parlez de place de marché décentralisée mais le risque n’est-il pas, en laissant les chauffeurs fixer eux-mêmes leurs tarifs, d’aboutir à une guerre des prix qui tirerait les salaires vers le bas ? Où à l’inverse à des ententes pour faire monter les prix ?
C. D. Il y a des avantages et des inconvénients aux places de marchés. Nous encourageons les chauffeurs à se regrouper avec d’autres dans leur quartier pour fixer leurs prix. Mais comme c’est très simple de nous rejoindre, si beaucoup de chauffeurs ont fixé des prix trop hauts, il y aura un nouvel entrant qui proposera de meilleurs services. Certains chauffeurs laissent aussi les passagers décider ce qu’ils veulent donner. Et les chiffres montrent que le plus souvent ils donnent plus que le prix fixé par Uber ! D’autres préfèrent enfin se rendre dans les bars et de rencontrer les gens directement pour devenir leur chauffeur attitré.
L’année dernière, le gouvernement français à interdit Uberpop, un service low-cost de Uber, au motif qu’il s’agissait d’une concurrence déloyale avec les taxis. N’avez-vous pas peur de tomber vous aussi sous les coups du législateur à mesure que votre plateforme gagnera en importance ?
C. D. C’est possible, et nous sommes prêts à des régulations. Mais notre modèle pourrait éviter ce problème tout simplement parce que les taxis peuvent nous rejoindre et utiliser Arcade City pour leurs courses et leurs paiements. Uber veut détruire l’industrie des taxis. Nous voulons l’aider à évoluer. Nous sommes déjà en discussion avec plusieurs compagnies aux États-Unis en ce sens. Beaucoup comprennent l’intérêt des nouvelles technologies. Ce qu’elles reprochaient à Uber était une tactique très agressive dans les prix et de ne pas toujours respecter la loi.
D’autres secteurs que le transport de personnes pourraient-ils s’emparer de votre technologie ?
C. D. Tout à fait ! On voit déjà des gens qui affirment sur leur profil qui veulent faire de la livraison. D’autres proposent de déplacer des voitures. Certaines mairies réfléchissent aussi à utiliser Arcade City pour regrouper l’information sur tous les transports disponibles, des taxis aux bus en passant par le train. La beauté du modèle décentralisé est que n’importe qui peut apporter une innovation ou monter une startup à partir de notre plateforme.
Propos recueillis lors du OuiShare Fest 2016.